Le théâtre, un bateau sur cour et jardin

Les théâtres tels que nous les connaissons ont eu recours à l’expertise marine dans leur conception. Au début du XIXe siècle, les marins ont apporté leur savoir-faire, notamment dans la machinerie (changement de décors), élément-clé du théâtre. Il existe de nombreuses correspondances entre le jargon théâtral et celui de la marine. Les hommes de la mer ont aussi grandement influencé les superstitions théâtrales qui sont encore en vigueur aujourd’hui.

HISSONS LES DÉCORS !

(Cabestan machine l’Opéra Garnier)

Parmi les clins d’œil du monde marin au théâtre, on retrouve le terme de « cabestan ». Celui-ci désigne l’axe vertical utilisé pour virer l’ancre ou les cordages. Au théâtre, l’axe d’un cabestan était horizontal. Les contrepoids permettaient de soulever les décors en réduisant l’effort. Par ce système, les machinistes pouvaient faire apparaître ou disparaître les éléments du décor. Les cabestans sont de moins en moins utilisés avec l’arrivée de l’automatisation des systèmes, mais on en trouve encore de beaux vestiges, notamment à l’Opéra Garnier.

La machinerie théâtrale est un élément prépondérant dans la réussite d’une pièce de théâtre. Les jeux de décors permettent de charmer l’œil du spectateur, et de valoriser le jeu des acteurs. Et ce sont donc les marins qui sont venus installer charpentes, élingues, fils… Ils assuraient également la magie de certains effets, comme l’envol d’un comédien au moyen d’un harnais qu’on dissimule habilement dans un costume. Ce fameux harnais de trapèze qui est aujourd’hui utilisé par les skippers.

Le fonctionnement des machineries de théâtre était quelque peu complexe car celles-ci étaient très techniques, et l’aide des charpentiers et mécaniciens de la marine était la bienvenue. Mais alors comment les marins se sont-ils retrouvés dans les théâtres ? Cela est dû au fait qu’au XVIIème et XVIIIème siècles, les bateaux devaient rentrer au port l’hiver (la navigation étant beaucoup trop dangereuse). Les marins devaient donc trouver du travail et ils étaient souvent engagés dans les théâtres pour s’occuper de cet aspect très technique. Leur force physique était d’une grande aide pour installer et gérer le bon fonctionnement de ce système. Le métier de machiniste est un métier intense où sang-froid, passion et ingéniosité sont demandés, vertus que l’on retrouve souvent chez les marins.

UN JARGON TOUT DROIT VENU DE LA MER

Que ce soit sur les plateaux ou en coulisses, le théâtre regorge d’une multitude de superstitions et croyances. Celles-ci peuvent être prises au second degré et devenir amusantes mais d’autres ne sont surtout pas à prendre à la légère ! Les marins ont laissé une trace indélébile dans le théâtre que ce soit grâce aux machineries ou à leurs fameuses superstitions. Par exemple, le mot « corde » est à bannir sur les planches sous peine de malheur ou même d’amende car il faisait référence à l’instrument de torture plutôt qu’aux cordes d’un navire. Le mot « bout » est donc plus d’usage, comme sur un bateau.

Les machinistes avaient une façon bien particulière de communiquer, principalement en sifflant pour lancer le changement de décors. Un acteur qui siffle pouvait donc semer le trouble dans le bon déroulement technique du spectacle. Cette action aurait également pour résultat d’attirer les huées du public, tout comme en mer, siffler attirerait les hurlements du vent qui se lèverait soudainement pour faire écho. La mer a définitivement une influence dans beaucoup de domaines de notre société, sans que, la plupart du temps, nous en soyons au courant.

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